Ambivalence du sacré ou construction symbolique de la sortie du droit,
un article de Robert JACOB,
dans la Revue historique,
paru en 2006, dans son numéro 639, des pages 523 à 588
Un article de Robert Jacob qui concerne en partie le bouc émissaire et qui, à ce titre, intéresse l’Observatoire du bouc émissaire.
On y trouve notamment :
En outre, il est vraisemblable que des symboliques de ce genre se retrouvent dans d’autres cultures antiques. On peut hésiter à évoquer ici le cas du pharmakos grec, qui a peut-être lui aussi certains traits d’une victime sacrificielle qui ne serait pas sacrifiée, que l’on a souvent rapproché du sacer latin, mais qui s’inscrit dans un contexte cultuel spécifique bien différent [87][87]Le pharmakos est un personnage que la cité nourrit à ses frais…. En revanche, il n’est pas inopportun de revenir sur le bouc émissaire des Hébreux
On y trouve également :
Des habitudes de langage invétérées font ordinairement confondre bouc émissaire et victime du sacrifice. En usant et en abusant de l’expression « victime émissaire », René Girard a d’ailleurs placé au centre de son système une construction intellectuelle qui occulte le contenu même des versets bibliques auxquels elle doit son nom, puisque ceux-ci posent précisément les qualités de victime et d’émissaire comme incompatibles. Il y a en fait deux animaux, dont l’un est victime mais non émissaire, l’autre émissaire mais non victime. L’un et l’autre ont bien été sélectionnés pour le sacrifice, mais leur itinéraire diverge. Le premier assume la trajectoire ordinaire, qui est de servir l’alliance de Dieu et des hommes. Le second est, comme la fugiens victima de Servius, même si c’est pour d’autres raisons, une anti-victime. Sélectionné en même temps que son double honorable, sa route dévie pour s’opposer. Il n’est plus sacrifiable – pourrait-on sacrifier à Azazel ? On ne tente plus de le faire obéir. Son sort est d’être expulsé vers le monde sauvage, le désert, au lieu de sanctifier l’alliance.
On y trouve aussi, en début d’article :
D’un côté, le fait que le même mot latin sacer se soit appliqué à la fois au sacré et au proscrit constitue, aux yeux des théoriciens de l’ambivalence, un signe patent de la justesse de leur intuition. Il paraît même fournir, dans l’histoire de l’Occident, l’archétype parfait d’un sacré indifférencié, tout à la fois le sacré proprement dit et le maudit, le souillé, l’exclu, le répulsif [10][10]Sigmund Freud, Totem et tabou (1913), trad. franç., Paris,…. Un archétype d’autant plus précieux qu’il est unique, puisque, de toutes les langues indo-européennes, seul le latin confère à un terme affecté à la désignation du sacré une valeur aussi éloignée de son sens ordinaire [11][11]Émile Benveniste, Le vocabulaire des institutions…. De l’autre, les historiens du droit romain et de la langue latine confrontés au paradoxe du sacer ont jusqu’ici peiné à imaginer une autre voie d’explication. Sans doute sont-ils les mieux placés pour s’aviser des difficultés considérables que l’ambivalence du sacré soulève devant l’interprète des sources romaines. Sans doute n’a-t-il pas manqué de voix pour exprimer à l’occasion scepticisme et réticences. Mais, faute que s’impose une alternative crédible, la majorité des auteurs se rallie toujours à la thèse d’un sacré ambivalent. Il faut que, à l’âge archaïque, la langue latine et le droit romain avec elle aient fondu sous le terme sacer le sacré, le maudit, le tabou et le proscrit : telle est la position qui domine encore la romanistique contemporaine [12][12]« Sacer désigne celui ou ce qui ne peut être touché sans être…
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