Les hérauts grecs agents et victimes de châtiments
Un article de Catherine Goblot-Cahen,
Dans la revue hypothèses, vol. 6, no. 1, 2003, pp. 135-144
Un article qui évoque, de façon allusive et très pertinente le bouc émissaire …
On peut y relever quelques éléments particulièrement parlant :
C’est pourquoi une des formes les plus anciennes de la peine contre le meurtrier est son expulsion hors de la communauté civique, c’est-à-dire l’atimie au sens fort et premier du terme. Peine qui avait l’avantage de dispenser le corps civique de se rendre coupable d’un autre meurtre, tout en condamnant le criminel à une mort presque assurée. Car comme le rappelle Louis Gernet, l’atimos est littéralement l’homme sans timè, celui qui n’a plus de prix et peut donc être tué sans compensation : c’est un proscrit.
Cette peine évoque le rituel ionien des pharmakoi, encore pratiqué à l’époque classique, qui consistait à expulser rituellement un ou deux pauvres hères préalablement nourris aux frais de la cité en souvenir d’un crime ancien resté impuni.
On y trouve aussi :
Il est conforme à la logique ambivalente des mythes et des rites grecs de trouver des hérauts à leur tour victimes de châtiments. Signalons le cas de Dolon au chant X de l’Iliade, dans lequel Louis Gernet le premier a reconnu un type de bouc émissaire : envoyé par Hector en mission d’espionnage nocturne dans le camp achéen, cet apprenti-héraut subit un sort tragique entre les mains d’Ulysse et de Diomède. Gernet a souligné les aspects rituels de cet épisode singulier : le décor nocturne, les peaux de bêtes dont se sont affublés les acteurs du drame, l’invocation des meurtriers à Athéna rapprochent l’exécution de Dolon d’une mise à mort sacrificielle.
On y trouve encore :
Passé du mal au bien, ce pourrait être le sens final de ce drame où Lichas est porteur d’un pharmakon : mot qui, dans la langue grecque, a le double sens de poison et de remède. Le porteur de poison est en même temps l’homme-remède, dont la précipitation dans la mer libère Héraklès de ses souffrances, puisque celui-ci décide ensuite de dresser un bûcher au sommet du mont Œta où, selon la version ancienne de la légende, il accède à l’immortalité.