Le mode de domination des tendances
un texte de Guillaume Erner, (chapitre 4)
dans son livre Sociologie des tendances.
Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? »,
paru en 2009, p. 66-91.
Guillaume Erner pose les bases de son développement :
« À en croire certaines théories, la diffusion de certaines modes s’explique par le vecteur qui les a propagées au sein d’une société. En ce sens, ces démarches considèrent que le messager l’emporte sur le message. »
Il interroge les logiques d’imitation, de mimésis, mettant en perspective Gabriel Tarde et René Girard
Le texte de Guillaume Erner évoque l’homme comme animal mimétique :
« Le mimétisme pose la question de la part d’animalité contenue dans le comportement humain. Une part inscrite d’ailleurs dans notre cerveau, puisque sans nos neurones miroirs nous serions bien en peine d’imiter qui que ce soit. Peut-on pour autant qualifier le comportement humain de moutonnier ? »
Le texte de Guillaume Erner évoque les motivations de Gabriel Tarde :
« Ce qui attirait Tarde dans la question de l’imitation, ce n’était pas les victimes de la mode mais les victimes tout court. »
Le texte de Guillaume Erner cite le fondement de la théorie de Gabriel Tarde :
« La réalité sociale, écrit-il, c’est l’imitation sous toutes ses formes au sens actif et passif. » (Gabriel Tarde, La criminalité comparée, Paris, Alcan, 1886, p. 81)
Le texte de Guillaume Erner explique les lois tardiennes :
« Selon lui, il existait deux types de « lois de l’imitation ». Les premières sont des lois logiques ; les secondes, des lois extralogiques. Les lois logiques engendrent les nouvelles idées. Dans un premier temps, le corps social se livre à une « méditation collective ». Avant de s’imposer, la nouveauté doit combattre les anciennes idées, un balancement plus ou moins long peut suivre. Le combat s’achève nécessairement sur l’alternative suivante : l’une des formes triomphe ou bien une synthèse se fait jour. Selon Tarde, l’histoire des langues s’éclairerait à partir de ce processus.
Mais toute la vie sociale ne se déroule pas aussi simplement ; Tarde perçut également l’influence de lois extralogiques. Des perturbations peuvent ébranler la vie sociale, venant des tréfonds de la nature humaine.(…) »
Le texte de Guillaume Erner s’arrête également sur la mémétique :
« Près de cent ans après Gabriel Tarde, une nouvelle tentative de bâtir une science de l’imitation est apparue. Cette nouvelle discipline baptisée « mémétique » ne s’inscrit plus parmi les sciences sociales ; elle s’autorise désormais de la biologie. En effet, ce savoir se propose de prolonger l’intuition d’un biologiste, Richard Dawkins, qui postulait, en 1976, l’existence d’objets nommés des mémés, régissant notre vie culturelle à la manière dont nos gènes gouvernent notre existence naturelle. »
Le texte de Guillaume Erner s’arrête plus loin sur la pensée de René Girard :
« Les auteurs à la mode ne s’intéressent pas tous à la mode : en témoigne l’exemple de René Girard. Depuis les années 1960, cet anthropologue est l’un des rares à proposer une théorie complète du phénomène humain. Et celle-ci repose en grande part sur la propension des individus à imiter leur prochain, propension désignée chez René Girard sous le nom de mimesis.«
Guillaume Erner explique la mimésis de René Girard :
« Qu’est-ce-que la mimesis ? « C’est notre oxygène », répond René Girard, une notion aussi fondamentale à la compréhension de notre vie sociale que celle de l’oxygène pour la combustion. En substance, ce terme désigne la puissance qui nous amène à convoiter ce que l’autre désire. Car nos désirs nous sont toujours dictés par autrui : comme le disait Shakespeare dans un sonnet cher à Girard : « Tu l’aimes, toi, car tu sais que je l’aime. » Reste que cette convergence est dangereuse pour la société. En effet, comment tout le monde pourrait-il convoiter la même chose ? La mimesis conduit donc presque à coup sûr au conflit. Dès lors, cette force unificatrice, loin d’apaiser une société de semblables, nourrit des désirs promis à la frustration ; elle est, par nature, génératrice de violence. Cette rivalité conduit les hommes presque mécaniquement à une crise mimétique – autrement dit, à un épisode de violence provoqué par une focalisation sur un même désir. »
De la mimésis découle la théorisation de René Girard sur le bouc émissaire :
« Ce bouc émissaire, c’est une victime innocente que les hommes vont tenir pour responsable de la mimesis violente qui les contamine tous. Cette croyance, sous l’effet d’un processus d’autoréalisation, sera vérifiée. »