Entre le vide moral et le trop-plein d’éthique, le bouc émissaire comme analyseur pertinent

Entre le vide moral et le trop-plein d’éthique ?

un article de Marie-Louise Martinez,

paru dans l’ouvrage collectif « Repères déontologiques pour les acteurs sociaux », dirigé par Françoise Corvazier et Pierre Bonjour,

chez ERES dans la collection Connaissances de la diversité en 2008. L’article apparait de la page 75 à la page 112.

 

Couverture de livre : Repères déontologiques pour les acteurs sociaux

Dans sa contribution à cet ouvrage collectif, Marie Louise Martinez aborde le bouc émissaire comme phénomène anthropologique bien connu des travailleurs sociaux.

 

Plan de l’article :

  1. Les gains de l’agir communicationnel
  2. Les dérives de l’agir communicationnel
  3. Vers un agir communicationnel de l’intégration du tiers comme personne
  4. Des dérives du tiers intrus victimaire au tiers réflexif (soi-même comme un autre)
  5. Du bon usage de l’éthique
  6. Primum non nocere
  7. Aude sapere : l’exigence éthique de penser la complexité
  8. L’intégration du tiers précédemment exclu
  9. Réconcilier la morale et l’éthique

Il y est question page 88 :  « La déconstruction commencée par la psychologie, la sociologie ou l’économie, mais verrouillée par des explications réductionnistes, méritait d’être poussée vers plus de lucidité. L’anthropologie des XIXe et XXe siècles (Frazer, Durkheim, Mauss, Dumont, Girard…) donne des clés importantes pour comprendre la violence et le mal. Elle montre notamment ce que les travailleurs sociaux voient quotidiennement dans leur pratique : l’exclusion  sociale dirigée contre certains et l’indifférenciation de crise avec la réciprocité violente. Pour cette perspective anthropologique, le bouc émissaire n’est pas une banale métaphore, il est la référence, au-delà du rite hébraïque (l’animal expiatoire envoyé dans le désert par la communauté qui l’a chargé de ses fautes), au sacrifice fondateur de la communauté dans toutes les cultures. Le sacrifice (sacer facere : faire du sacré) est fondateur du sacré. Le sacré, c’est le lien social, comme l’a montré Durkheim. Et ce religieux-là (religere : qui relie) renouvelle la violence pour la circonscrire. Il déborde  largement des institutions spécifiquement religieuses. Chaque groupe (famille, école, entreprise, nation, etc.) soude sa cohésion sur l’éviction de victimes et sur des rites plus ou moins violents qui le constituent. »

Et Marie Louise Martinez poursuit, toujours page 88 : « Les victimes sont choisies selon des critères et des traits différents (jeunes ou vieux, déshérités de basse extraction ou au contraire fils de roi, porteurs de défauts physiques ou non), selon les cultures et les circonstances, mais toujours en vue de stopper le cycle de la vengeance. »

Elle écrit également (88-89) : « La sagesse des anciens, dans toutes les civilisations l’avait pressenti bien avant que Girard ne le démontre, comme l’indique ce proverbe chinois : « C’est au sacrifice que les multitudes doivent leur tranquillité. Il suffit d’ôter ce lien pour que la confusion s’ensuive. » »

Page 91, elle ouvre une piste selon nous essentielle : « C’est dans une anthropologie issue de la réflexion girardienne sur le processus du bouc émissaire que nous voyons la possibilité de fonder, plus radicalement, l’intégration du tiers personnel précédemment exclu comme métavaleur, universalisable. »

 

Pour avoir accès à l’article complet via Cairn.fr : ici