La violence, la mimésis et le sujet,
article de Jean-Marc Roy,
Publié dans les Archives de sciences sociales des religions,
en son numéro 148,
en 2009,
pp. 55-63.

L’Observatoire du bouc émissaire présente le texte La violence, la mimésis et le sujet
Quelques citations significatives de l’article qui n’ont pas la prétention d’en représenter un résumé mais qui éclairent la problématique générale de ce site.
L’auteur évoque la différence en Camille tarot et René Girard :
« Girard voit dans la mimesis le véritable sujet d’un mécanisme victimaire tandis que Tarot réhabilite l’homme au cœur de la violence et du pouvoir. Cette différence dans la compréhension du sujet entraîne toute une série de déplacements à l’intérieur du pouvoir qui s’instaure par le sacrifice du bouc émissaire : notamment à propos de la relation entre la règle et la force, de la position de l’homme par rapport à l’être et finalement du statut de la croyance. »
Il poursuit :
« En plaçant le religieux au fondement de l’institution du social, Tarot ancre les relations humaines dans l’infrastructure du pouvoir. Ce dernier est réputé se former par la séparation qu’il produit: l’unité de la communauté repose sur une «scission minimale» (ibid.: 733), un exclu de chair et d’os, le bouc émissaire. Girard participe de ce même mouvement de dévoilement de l’immanence du pouvoir qui trouve son point d’orgue dans une séparation et, en définitive, dans l’importance et la constance du bouc émissaire dans les pratiques sociales (Frazer, 1988). «Le sacrifice est une affaire d’hommes et c’est en termes humains qu’il faut l’interpréter» (Girard, 1972: 136; 1978: 319, 321; 1999: 41). »
Il explicite la pensée de René Girard :
« Toutefois, si les règles sociales sont bien premières par rapport à la biologie, elles apparaissent secondes à Girard par rapport aux communautés et aux divisions sociales: les significations culturelles renvoient à une «séparation réelle» (1972: 276) qui a son origine dans le mécanisme du bouc émissaire. On ne peut donc pas non plus considérer l’inceste et le parricide comme des faits irréductibles (1972: 176). »
Jean-Marc Roy évoque alors un point de convergence essentiel autour de la fonction pharmakologique :
« Il existe un autre point de convergence entre Tarot et Girard, c’est ce que le premier nomme la fonction « pharmakologique » (Tarot, 2008: 699 sq.) du religieux. Si la plongée dans l’archéologie du pouvoir dénonce la violence dont le meurtre est l’acte emblématique et historique, l’arbitraire qui est ainsi découvert n’est pas sans efficacité. La séparation «minimale», ou plus largement la destruction, voire l’accusation ont une fonction thérapeutique: le mal est métamorphosé en bien. »
Il pose une question autour du sujet :
« Grâce à l’élaboration d’une théorie du désir et de l’imitation, Girard propose un mécanisme du bouc émissaire qui le conduit à considérer que «le vrai manipulateur du processus, le sujet de la structure dans le cycle mimétique, n’est pas le sujet humain (…) mais bien le mimétisme lui-même» (1999: 97). Tarot cherche, quant à lui, à replacer l’homme au centre du pouvoir et donc à lui restituer le statut de seul sujet dans les processus et les structures en cause dans la fondation de la société. »
Le sens de la violence s’en trouve explicité :
« Cette tentation d’analyser la violence comme une réalité en soi, à la présenter comme le seul sujet, aboutit logiquement à faire du mécanisme du bouc émissaire le créateur de la règle (ibid.: 377; 1999: 119), «le responsable du fait qu’il existe une chose telle que l’humanité» (ibid.: 324; 1978: 131) ou l’origine de la différence dans le mythe (ibid.: 367). »
Le meurtre devient central dans la démonstration :
« L’événement capital du meurtre suppose pour Girard la disparition de l’homme au profit de la mimesis. Pour Tarot, la redécouverte de l’homme se traduit par le jeu de la règle et de la force dans l’homme et dans la communauté. Pour le premier, la violence est ordonnatrice (Girard, 1982: 280). Pour le second, elle ne donne rien en elle-même. Le meurtre ne fait pas la relation, il en supprime une avec la disparition de la victime. C’est pourquoi un travail de deuil est nécessaire. »
En conclusion :
« Pour Girard, il y a une «usure» (1972: 63)1 du sacrifice depuis la révélation chrétienne. Le mécanisme de la victime émissaire s’effrite comme une chose car ce n’est pas l’homme qui porte la relation à l’être, ni qui est le sujet de la structure. Le lien entre le sacré et le symbolique, ou le pouvoir et la croyance, est rompu. Tarot ne formule pas le même diagnostic sur les comportements sacrificiels. Ces derniers n’ont pas disparu: peine de mort, traitement des fous, luttes ethniques, stratégies des tueurs dans la concurrence économique «qui consistent à éliminer des concurrents non sans se renforcer très anthropophagiquement de la puissance de leurs dépouilles (…) je ne parle pas du rapport à la nature où constamment on capte sa force pour la retourner contre elle» (Tarot, 2008: 826). »