Déjouer l’exclusion dans les institutions de protection de l’enfance :
deux analyses de pratique
une contribution rédigée par Philippe Pétry
dans le chapitre « Quand le bouc émissaire fait silence »,
chapitre 5 du livre Bouc émissaire : le concept en contextes, dirigé par Rémi CASANOVA et Françoise-Marie NOGUES,
publié aux PUS, en novembre 2018
Le texte commence par ceci :
« Les interventions auprès des équipes des professionnels de la protection de l’enfance sont très fréquemment motivées par les difficultés des éducateurs à « faire face » ou plutôt à « faire avec » (Casanova, 2008, p. 30) des jeunes qui sont présentés comme « de plus en plus difficiles » et mettent en échec les réponses éducatives ordinaires. Le travail d’accompagnement en analyse des pratiques débute fréquemment par la désignation de ces jeunes au travers de phrases comme « il n’est pas fait pour nous, il n’a pas sa place ici, il relève de la psychiatrie… » »
et se termine par ceci :
« La complexité de ces interventions nécessite à la fois de mobiliser cet imaginaire nostalgique défensif, mais aussi de travailler avec les équipes une compréhension du changement et de ses enjeux, une construction de nouvelles réponses éducatives pour sortir du sentiment d’impuissance lié à la confrontation à des conduites insupportables de la part des jeunes. La clinique du travail et de l’activité nous fournit quelques repères pour nous orienter dans la complexité de ces interventions. Yves Schwartz dans « L’activité en dialogues » (Schwartz et Durrive, op. cit.) met en évidence la réélaboration toujours nécessaire des normes antécédentes qui fournissaient des définitions préexistantes du travail. Cette renormalisation toujours à refaire implique un débat de normes. C’est à partir de ce questionnement que peuvent surgir des « réserves d’alternatives », que de nouvelles réponses possibles peuvent s’élaborer. On passe donc d’un consensus imaginaire basé sur le déni, la nostalgie et l’exclusion à un débat de normes qui ouvre sur une pluralité de réponses possibles et à une interrogation sur leur légitimité.
Yves Clot, dans ses travaux sur la clinique de l’activité, a largement démontré l’importance de la construction collective des controverses. Pour faire face à la violence, l’analyse des pratiques mobilise une interrogation collective sur la légitimité des interventions : « Au nom de quoi agissons-nous ? » (Petry, 2012) .»
On y trouve notamment :
« Lors de la séance suivante, j’apprends que l’éducateur qui a évoqué l’incident s’est mis en arrêt de maladie et a fini par démissionner. Le cas d’une jeune fille concentre les préoccupations. »
« Dans la première situation, le phénomène de bouc émissaire est lié à une perte de repères de travail et à une rigidification du cadre en réponse aux passages à l’acte. Cette intervention se situe en contexte de crise (Barus-Michel, 1996, p. 55), car il y a bien un « vécu de menace », avec des phénomènes de « sidération ». »
« Dans les deux cas, les interventions s’inscrivent dans un contexte de changement institutionnel, il y a bien une pression des autorités de tutelle pour l’accueil de nouvelles populations. Ce qui suppose des réorganisations des services. »
Philippe Petry
Philippe Pétry est psychologue clinicien et formateur, doctorat de psychologie clinique (Paris X, D. Anzieu), doctorant en sociologie au LCSP (F. Giust-Desprairies). philippe.petry@gmail.com